Q & R avec Sylvain Bruneau, capitaine de la Fed Cup et entraîneur national
Bienvenue à cette deuxième édition de l’entrevue mensuelle de l’APT. Ce mois-ci, nous avons rencontré Sylvain Bruneau, capitaine de l’équipe canadienne de la Fed Cup, pour discuter d’une variété de sujets, notamment la profession d’entraîneur au Canada, le manque à palier de femmes dans la profession et la façon d’entraîner les meilleurs talents d’ici.
APT : Comment en êtes-vous arrivé à obtenir le poste que vous occupez aujourd’hui?
Bruneau : Étape par étape. Je crois que mon histoire peut démontrer aux autres que tout est possible. Jeune, je n’étais pas un joueur extraordinaire, mais j’ai commencé tôt à travailler dans un club. Par la suite, je me suis occupé du programme pour les juniors et j’ai voulu en faire un des meilleurs au Québec, ce que j’ai d’ailleurs réussi. J’ai consacré beaucoup de temps à développer de bons joueurs. Après, Tennis Québec, puis Tennis Canada, m’ont demandé d’accompagner les athlètes aux Championnats canadiens.
La première fois que j’ai voyagé à l’extérieur du Canada était pour un tournoi 14 ans et moins. J’ai vraiment fait mon chemin, puis j’ai commencé à travailler dans le cadre de tournois par équipe. Au début de la vingtaine, j’ai pu travailler avec des joueuses plus âgées. Par la suite, j’ai agi à titre d’entraîneur de l’équipe de la Fed Cup durant six ou sept ans avant d’en devenir le capitaine. Pendant ce temps, je suis devenu un entraîneur national à plein temps. J’ai donc franchi une étape à la fois.
Quelle est la différence entre être l’entraîneur personnel d’une joueuse et être le capitaine de la Fed Cup?
L’approche est un peu différente. Quand tu travailles avec une joueuse, ta mission ou ton objectif est de rendre cette joueuse meilleure. Essentiellement, tout ce que tu fais est pour cette joueuse seulement dans le but de la faire progresser.
Quand tu es capitaine de la Fed Cup, la priorité n’est pas axée sur la joueuse, mais bien sur l’équipe. Tout ce que tu fais, toutes les décisions que tu prends sont pour l’équipe, pour le bien de l’équipe. Ce qui veut dire que ce qui est le mieux pour l’équipe ne l’est pas nécessairement pour une joueuse, car elle devra peut-être laisser sa place à une autre pour un entraînement ou encore jouer un peu en simple même si c’est une joueuse de double. L’approche doit être différente pour soutirer le maximum de l’équipe.
Pourquoi est-il important d’accroître le nombre d’entraîneurs au Canada?
Je crois que c’est un enjeu important. Je me souviens que quand j’étais jeune, je trouvais qu’il y avait beaucoup de jeunes entraîneurs très motivés voulant faire des choses différentes. Je crois que si nous voulons avoir plus de joueurs et plus de bons joueurs, cela commence par avoir plus de jeunes entraîneurs de qualité. Je crois que s’il y avait, dans chaque province, plus d’entraîneurs motivés par la haute performance et désirant participer au développement de jeunes joueurs, cela aiderait beaucoup le Canada à devenir une meilleure nation de tennis. Ce n’est peut-être pas le seul élément déterminant, mais il est important.
Pourquoi croyez-vous que le développement professionnel est si important pour les entraîneurs?
Ma passion pour le tennis date de très longtemps et par la suite, le métier d’entraîneur est aussi devenu une passion. Il s’agit avant tout de devenir meilleur : en lisant, en regardant des vidéos, en discutant avec d’autres entraîneurs dans le but d’acquérir des connaissances pratiques. Je suis chanceux, car lorsque j’étais jeune, plusieurs entraîneurs ont été d’excellents modèles. Ils étaient plus vieux et possédaient plus d’expérience et me permettaient de passer du temps avec eux, de poser des questions. Je crois qu’il est important de pouvoir compter sur des mentors, sur des personnes en qui tu peux avoir confiance et qui peuvent te transmettre leur savoir.
Croyez-vous que les entraîneurs féminins sont importants pour la croissance du tennis au Canada?
Je n’ai aucun doute là-dessus! Je crois que c’est une lacune en ce moment et si nous pouvions attirer plus de femmes dans la profession, ce serait très positif. Je souhaiterais qu’il y ait plus de femmes. Quand il y a une femme sur le terrain, les filles ont quelqu’un en qui elles peuvent se reconnaître, quelqu’un à qui parler et qui peut les comprendre un peu mieux. Ce pourrait être très utile. J’apprends beaucoup à discuter avec des entraîneurs féminins. Je ne suis pas une femme, mais connaître leurs points de vue sur certaines choses auxquelles je n’avais pas pensé est très bénéfique. Cela m’aide à envisager de nouvelles façons de faire.
Auriez-vous des conseils sur la façon d’entraîner les garçons et les filles? Y a-t-il une différence entre les deux?
J’aimerais pouvoir dire qu’il n’y en a pas. J’aimerais penser que c’est le même sport, le même entraînement, la même psychologie, mais il existe des différences. Pour les filles, c’est une question de sensation quand elles frappent; c’est habituellement beaucoup plus important pour elles que pour les garçons. Les garçons aiment s’entraîner dans des situations de compétition et disputer beaucoup de points. Les filles recherchent plus les sensations dans leurs coups et préfèrent donc faire plus de répétitions. Je me demande souvent si c’est quelque chose que nous devrions changer quand ils sont jeunes.
Sur quelles habiletés fondamentales les entraîneurs devraient-ils se concentrer avec les joueurs de 10-12 ans afin d’optimiser leur développement?
Il y en a plusieurs, car c’est une étape très importante dans le développement des joueurs. Au Canada, nous nous concentrons beaucoup sur la technique, ce qui est bien. Cependant, je crois que nous ne mettons pas assez l’accent sur la fluidité du mouvement pour produire de la puissance avec un minimum d’effort. Cette notion de rythme n’est pas aussi concrète. La prise et la position peuvent être adéquates, mais les aspects que l’on ne voit pas sont aussi très importants et nous devrions en faire des priorités.
Avec l’élite, comment établissez-vous les priorités afin d’améliorer le jeu des athlètes?
En premier, je favorise les forces. Il est naturel de vouloir améliorer les faiblesses, ce qui doit être fait, mais je crois que les meilleurs joueurs développent plus qu’une seule force. Je crois que l’idéal est de développer les forces, tout en s’occupant des aspects du jeu qui sont un peu plus faibles.
Comment le tennis a-t-il évolué depuis vos débuts en tant qu’entraîneur et comment entrevoyez-vous son avenir?
Prédire l’avenir est toujours difficile. La seule chose que j’ai remarquée est que tous les deux ou trois ans, le jeu change et évolue aux plus hauts échelons. À cause de l’équipement, le tennis devient plus physique et plus puissant. Aujourd’hui, les joueurs font beaucoup plus d’entraînement physique. Il faut prendre conscience que cette évolution se poursuivra et que les joueurs deviendront de plus en plus athlétiques. Nous devons donc nous assurer que nos joueurs suivent cette tendance afin de pouvoir rivaliser sur la scène mondiale.
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